L'engagementL'alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un jour, ses yeux ont regardé. Et qui revient. Grimper est un sport, mais celui qui grimpe en montagne, comme celui qui fait un course en mer ou traverse un désert, se place d'emblée dans un situation bien différente de la plupart des autres sportifs. Un coureur, un boxeur, un joueur de rugby, malgré toute leur ardeur et leur droiture peuvent toujours s'arrêter et gagner la touche, si par exemple ils sont atteints par une brutale fatigue due au fait d'avoir présumé de leurs forces, d'avoir pris un départ trop rapide, ou encore si une pluie très forte inonde le stade. A la rigueur, ils peuvent aller à l'extrême limite de leurs forces et s'effondrer sur la piste, le ring ou le terrain, ils seront vite conduits en lieu de repos. Une ascension, par contre, n'est pas un jeu que l'on peut arrêter. Même si l'on est fourbu, même si les pieds sont de plomb, même si la tête est vide, même si le grimpeur n'est plus qu'une volonté usée par la fatigue et tendue à l'extrême, même si les éclcairs rayent le ciel, il est exclu de dire Pouce, je n'en peux plus, je renonce, j'arrête le jeu, je rentre à la maison et même après que l'on a atteint le sommet, la course est loin d'être terminée, comme cela a été le cas à l'Annapurna et bien d'autres occasions. Là est sans doute la règle la plus dure de ce sport, mais c'est aussi un attrait: une ascension est toujours une aventure virile. Gaston Rébuffat (1921-1985) >> Enthousiasme et Lucidité >> Home Gaston Rébuffat: Le massif du Mont Blanc - les 100 plus belles courses Éditions Denoel 1973, 1995 |